La séparation de corps de Kateb Yacine Poésie vendredi 26 septembre 2025 Je ne sais ce que Nedjma Porte au milieu des avenues Qui la rende si amicale Il semble qu’elle m’ait pris Mes volontés pour elle-même Je ne sais si je saigne Seuls mes amis crient Contre la pierre Dont Nedjma m’aveugle Ou me fait briller Je me rappelle Les promenades trop longues À la vitesse de ceux qui veulent voir Je me rappelle une chevelure Secouée dans la main d’un captif Ce fut une figure Bien captivante Mais qui sait quelle caravane Prendra mon égarée par la main Je vais à une terre toute proche Mon corps à la sépulture opposé Craque Je te cherche Mes camarades font parler la poudre Je sens que je m’échauffe Je vais être contraint De te rendre ta mémoire Si tu persistes à rester immobile Je t’ai suivie fidèle à tous Avec mon propre corps Mais quoique j’aie péniblement Combattu au-devant de toi Je t’ai tant protégée que Tu es maîtresse des lieux Mes camarades Ne sont pas si loin Mais il y a toi Et c’est moi qui veille J’ai maigri à la même pointe Où mon cœur a séché L’interminable séjour où toi-même Tu dépéris J’ai entendu un claquement Angoissant à mes pieds Je suis égaré Et toi aussi Tu me fais signe de courir Avant même d’entendre Tomber sur terre mes camarades Massacrés Je suis massacré Dans ta demeure Adieu vagabonde surprise par le froid Je suis prêt à périr Pourvu que mes camarades Ne soient massacrés Dans la solitude Pourvu que ma mère Me désigne à la foule Pourvu que les villes Me soient fraîches aux chevilles Pourvu que je garde Un vif souvenir de ta mort Pourvu que je sois libre De te montrer à mes amis Sans devenir un nain À leurs côtés C’est ça qui compte Ce n’est pas ta mort Ni mon exil C’est notre joie D’avoir des mains bienveillantes Autour de nous Qui ramassent ton corps écrasé Ma tête enfoncée dans la foule Si je sanglote En trouant des cœurs ennemis Si je sanglote de ta mort C’est une belle détresse Mes camarades déjà me demandent Le récit de ta mort Mets-toi à ma place C’est une dure nécessité D’isoler une mort si vive Kateb Yacine, Revue Soleil, n° 1, Alger, 5 janvier 1950 Voir la source Source de l'article Qui êtes-vous ? Votre nom Votre adresse email Votre message Titre (obligatoire) Texte de votre message (obligatoire) Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Veuillez laisser ce champ vide : Commentaires