La rose de Blida Poésie vendredi 26 septembre 2025 En souvenir de celle qui me donna le jour La rose noire de l’hôpital Où Frantz Fanon reçut son étoile En plein front Pour lui et pour ma mère La rose noire de l’hôpital La rose qui descendit de son rosier Et prit la fuite A nos yeux s’enlaidissant par principe Roulée dans le refus de ses couleurs Elle était le mouchoir piquant de l’ancêtre Nous accueillait tombés de haut Comme des poux en manœuvre Plus son parfum de plèbe en fleur nous fit violence Par son mélange dépaysés Plus elle nous menaça Du fond de sa transhumance meurtrie Cueillie ou respirée Elle vidait sur nous Son cœur de rose noire inhabitée Et nous étions cloués à son orgueil candide Tandis qu’elle s’envolait pétale par pétale Neige flétrie ou volcanique Cendre modeste accumulant l’outrage Exposée de soi-même à toutes les rechutes Dilapidée aux quatre vents Venait-elle dans cette chambre ? Elle venait. Amante disputée Musicienne consolatrice Coiffée au terme de son sillage Du casque intimidant de la déesse guerrière Elle fut la femme voilée de la terrasse L’inconnue de la clinique La libertine ramenée du Nadhor La fausse barmaid au milieu des pieds-Noirs L’introuvable amnésique de l’île des Lotophages Et la mauresque mise aux enchères A coups de feu En un rapide et turbulent Et diabolique palabre algéro-corse Et la fleur de poussière dans l’ombre du fandouk Enfin la femme sauvage sacrifiant son fils unique Et le regardant jouer du couteau Sauvage ? Oui Sa noirceur native avait réapparu Visage dur lisse et coupant Nous n’étions plus assez virils pour elle Sombre muette poussiéreuse La lèvre blême et la paupière enflée L’œil à peine entrouvert et le regard perdu Sous l’épaisse flamme fauve rejetée sur son dos. Le pantalon trop large et roulé aux chevilles Et le colt sous le sein. Avec la paperasse et la galette brûlée Rarement, avec un soupir, elle retrouvait le collier d’ambre qu’elle mordait plutôt ou triturait, pensive, et brandissant le luth fêlé de son ultime admirateur, Visage de Prison, qui prononçait son nom de cellule en cellule, sans parler de Mourad et sans parler du bagne, sans parler de l’aveugle, un nommé Mustapha, que poursuivait son ombre en une autre prison, lui qui avait pourtant franchi les portes, mais il ne savait pas qu’il était libéré. Nous n’étions plus alors que sa portée Remise en place à coups de dents Avec une hargne distraite et quasi maternelle Elle savait bien Elle A chaque apparition du croissant Ce que c’est de porter en secret une blessure Elle savait bien Elle En ses seins pleins de remous Ce qu’était notre fringale Pouvait-elle Sillon déjà tracé Ne pas pleurer à fleur de peau La saison des semailles ? Même à sa déchirure de rocaille Pouvait-elle ignorer comment se perdent les torrents Chassés des sources de l’enfance Prisonniers de leur surabondante origine Sans amours ni travaux ? Fontaine de sang, de lait, de larmes, elle savait d’instinct, elle, comment ils retomberaient, venus à la brutale conscience, sans parachute, éclatés comme des bombes, brûlés l’un contre l’autre, refroidis dans la cendre du bûcher natal, sans flamme ni chaleur, expatriés. Kateb Yacine Voir la source Source de l'article Qui êtes-vous ? Votre nom Votre adresse email Votre message Titre (obligatoire) Texte de votre message (obligatoire) Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Veuillez laisser ce champ vide : Commentaires