Idris, un roman merveilleux tombé dans l’oubli

Idris est l’œuvre d’un auteur -Aly el Hammamy -que peu de lecteurs algériens connaissent .Cet ouvrage, rédigé à Baghdad entre décembre 1941 et juillet 1942, a été publié au Caire en 1948 à compte d’auteur.

Il a été réédité par la société nationale d’édition et de diffusion (SNED) en janvier 1977 avec une double préface, l’une en arabe, de l’Emir Mohamed Abdelkrim El Khettabi, champion de l’insurrection du Rif, à qui l’ouvrage est dédié, l’autre du Dr Ch.Bouamrane, Professeur à l’Université d’Alger.

Avant de présenter l’ouvrage il est utile d’évoquer le parcours tumultueux de ce patriote qui a passé pratiquement toute sa vie dans l’exil. Aly El -Hammamy est né à Tiaret en 1902 d’une famille qui serait originaire de Aïn El Hammam (ex Michelet), d’où son nom.

Ses parents se rendent en pèlerinage à la Mecque et décident de s’établir à Alexandrie en 1922.Le jeune homme, âgé alors de 20 ans ne se résout pas à rentrer en Algérie et décide de mener la lutte politique à l’extérieur. Il exerce mille et une professions. Il trouve même à s’employer sur un bateau de commerce ce qui lui permet de découvrir de nombreux pays. Il lit énormément ce qui fera de lui un véritable érudit.

Il rencontre L’Emir Abdelmalek, petit fils de l’Emir Abdelkader et lutte avec lui contre le régime colonial au Maroc. Il participe ensuite activement à la guerre du Rif aux côtés d’Abdelkrim El Khettabi. Cette insurrection (1921-1925) constitue la toile de fond de son roman.

En 1923, il collabore à Paris avec l’Emir Khaled qui l’envoie à Moscou, en mission avec un groupe de jeunes Algériens. Là, il fait connaissance avec Ho Chi Minh et d’autres hommes originaires d’Asie. Il se rend encore à Sébastopol, Berlin et Genève.

A partir de 1935, il est persécuté par les autorités françaises .Il se réfugie au Proche Orient et parcourt les pays de la région en particulier le Hedjaz, la Syrie, la Palestine et s’installe finalement à Baghdad où il enseigne pendant une dizaine d’années l’histoire et la géographie.

En 1946, il décide de résider au Caire et se joint au Bureau du Maghreb arabe qui milite contre le colonialisme français. Il décède tragiquement le 12 décembre 1949 dans un accident d’avion au Pakistan.

Ses obsèques ont lieu le 1er janvier 1950 au cimetière de Belcourt en présence de milliers de personnes.

Un poète a rédigé son épitaphe. En voici les termes :

"Ci-gît le trésor d’une créature parfaite

Ci-gît la flamme d’une intelligence sublime,

Ci-gît un exemple de ce qui est éternel, qui défie le temps

Ici un glaive a été planté,

Ici s’est arrêtée la palpitation d’un cœur,

Consumé par l’amour de l’Algérie,

Et passionné pour les actions généreuses,

Il voua sa vie à la lutte,

Et mourut en martyr de la patrie".

Idris , roman nord africain

L’ouvrage d’Aly el-Hammamy -le seul qu’on lui connaisse- est à la fois un roman attachant avec ses personnages vivants et une immense fresque historique embrassant le passé et le présent du Maghreb ainsi qu’un témoignage poignant sur la période coloniale et la résistance des Maghrébins à l’occupation étrangère.

Les principaux événements se déroulent au Maghreb Occidental et particulièrement le Rif dont le personnage principal du roman est originaire. Ces événements ont un retentissement naturel dans les autres régions du Maghreb. C’est pourquoi l’auteur a choisi de sous titrer son œuvre : roman nord africain.

L’ouvrage ne se limite pas à la partie occidentale du monde arabe. Les rapports avec le Machrek qui sous tendent le mouvement des idées et consolident les liens de civilisation et de solidarité avec le Maghreb occupent également une bonne place dans l’œuvre d’Aly El Hammamy .

Et c’est avec vigueur qu’est aussi affirmée dans ce roman nord africain la communauté de destin des peuples colonisés et leur prise de conscience en tant qu’entité distincte de l’Europe industrielle et conquérante. Cette entité se donnera plus tard un nom :le Tiers monde.

Kaci Abdmeziem
21 février 2015