Il ne suffit pas d’affirmer dans une sorte de pétition de foi que les croyants musulmans peuvent et doivent vivre à l’aise avec leur conviction religieuse dans des sociétés sécularisées.

La désintrication de la politique d’avec la religion est possible.

Elle est nécessaire. Encore faut-il donner à cette affirmation l’assise doctrinale indispensable avec les arguments qui l’étayent. C’est ce que nous développerons dans les paragraphes qui suivent. L’impact des forces religieuses dans la vie des sociétés et l’attitude du pouvoir politique à l’égard de la religion sont des questions cruciales. Elles ont, de tous temps, conservé leur importance capitale.

En ce sens que l’interférence de l’ordre religieux dans le champ politique et la politisation des systèmes de croyances demeurent un des problèmes majeurs auxquels ont toujours été confrontées les sociétés humaines. Depuis que celles-ci ont commencé à trouver du liant pour maintenir la cohésion du groupe dans ce qui les dépasse, elles ont tenu à gouverner et se faire administrer au nom d’un sacré qui les consacre. L’issue réside, donc, dans la dissociation du religieux d’avec le politique dans l’organisation de la Cité.

C’est dans cet ordre d’idées que la théologie doit reconnaître la validité d’une pensée politique et sa pertinence. Elle n’aura plus à maintenir figées les consciences croyantes dans une conception du monde éculée, tournée exclusivement vers le Ciel. Aussi, la recherche de solutions politiques ayant comme visée ultime la conduite d’une « vie bonne », comme l’auraient formulée les Grecs, ne sera-t-elle pas une activité réflexive incongrue jugée « impie ». Et, qu’est-ce qu’une vie bonne ? Ce sera une vie réussie pour soi, utile pour autrui. On peut y parvenir sans la forte prégnance de l’omniprésent et étouffant discours religieux.

La modernisation des sociétés est tributaire de l’évolution religieuse sur les sujets fondamentaux du rapport à la chose publique. Le progrès est au prix de la déconnexion de l’impératif politique du commandement religieux.

De ce point de vue, et contrairement à ce que laisse croire une focalisation exagérée sur les thèses islamistes radicales qui ont pollué le débat et ont contribué à penser l’islam en termes de singularité, d’exception et d’un tout irrémédiablement voué à la fatalité d’un archaïsme structurel indépassable, il existe bel et bien une pensée construite traitant de ces thèmes prioritaires.

Son tort est de n’avoir pas su se faire voir ni entendre. Parce que l’intérêt porté à ces questions essentielles s’est manifesté aussi bien à travers l’histoire que durant ces dernières décennies. En même temps, nous reconnaissons que l’élaboration de cette pensée politique demeure encore assez peu prise en considération, dans ses implications, en tant qu’une science autonome.

Elle accuse un certain déphasage par rapport aux réelles aspirations des peuples musulmans à accompagner le train actif des avancées démocratiques, de l’état de droit et des réformes des cadres institutionnels.

Ghaleb Bencheikh

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