7 janvier 1956. AUTEURS : Larbi Tebessi et Ahm ed Tewjîk E l Madani.

SOURCES :
Nadir Ahmed : le Mouvement réformiste algérien : son rôle dans la formation de
l’idéologie nationaliste (thèse de 3e cycle, Paris 1968).

Favorable, après l’insurrection du 1 " novembre, à un rassemblement unitaire entre organisations indépendantes sur
la base d ’une plate-forme modérée, l’association des Oulémas (docteurs de la loi), réformiste, louvoie pendant une
année entre le FLN et le gouvernement général.

Mais soumise à de fortes pressions de la part de ses adhérents, et
inquiète de son manque d ’emprise sur les événements, elle
bascule brutalement lors de ses assises du 7 janvier 1956
dans le camp du FLN et magnifie la résistance au colonialisme. Les Oulémas n ’en continuent pas moins à jouer le jeu
de la légalité et leur association ne sera jamais interdite.

Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux.

L’Assemblée générale de l’Association des Oulémas musulmans d’Algérie qui a tenu
ses assises le 7 janvier 1936 à Alger,
Après l’audition et l’approbation des rapports moral et financier,
Après avoir décidé des directives concernant son œuvre présente et ses visées,
Préente au vénéré président le Cheikh Mohammed Bachir Al Ibrahimi1, et à tous
les Algériens valeureux de l’Orient arabe, la chaude expression de son enthousiasme,
de ses remerciements et de son admiration ; elle déclare reconnaître toute l’œuvre
grandiose qu’ils accomplissent en Algérie au profit de l’Association en particulier et de
la gloire de l’Algérie, de la cause arabe et de l’Islam, en général ;
Adresse de chaleureuses et paternelles salutations à tous les fils de l’Algérie, émigré
pour la cause de l’étude et de la science dans les pays de l’Orient arabe ; elle les exhorte
& continuer, dans la constance et la ténacité, leur noble entreprise, malgré les turpitudes de la vie et les difficulté de subsistance ;
Remercie intensément tous les Etats et gouvernements arabes qui ont si cordialement
accueilli et si activement aidé nos délégations étudiantes, de même qu’elle remercie les
université de la Zitouna et QuaraouiinesZ pour leurs œuvres en faveur de jeunes Algériens ;
Adresse aux deux peuples frères en lutte — le peuple tunisien et le peuple marocain—
ses sentiments tr é affectueux de fraternité et d’amitié ; elle les félicite pour leur noble
combat et pour ce qu’ils sont en train de réaliser, au nom de leurs espérances finales
Hans la voie delà liberté complète, de l’indépendance et delà réelle souveraineté nationale,
elle espère que Dieu anéantira les traverses qui voudraient les faire trébucher ;
Proclame, en sa qualité de membre vivant et agissant du corps de la communauté
algérienne, qu’elle ne peut se taire devant la gravité des événements actuels, et les horreurs, les infimes atrocité les accompagnant, de même qu’elle ne peut rester indifférente i tout ce qui concerne ce pays et son avenir ;
Par suite, proclame en toute objectivité que l’ordre colonialiste est le seul responsable des malheurs dévorant ce pays depuis 1830 ; c’est ainsi que le racisme éhonté, pilier
de son idéologie, la politique de paupérisation, constituant à priver l’Algérien musulman de tout ce qui fait la dignité de l’être, la guerre menée contre la religion musulmane jusque dans ses retranchements les plus sacré, la lutte contre l’enseignement
arabe sous toutes ses formes, l’apatridie où est plongé la masse des Algériens, la tentative de dépersonnalisation dont elle a été l’objet, l’anéantissement de tout ce qui eût pu
manifester sa personnalité, tout ce qui a été accompli à l’encontre de ses aspirations et
imposé à sa volonté...

C’est ainsi que tout cela a porté le peuple au faîte du désespoir,
et l’a poussé aux gestes du même désespoir.
Proteste avec une véhémence indignée contre les ignobles atrocités et les actes de barbarie qui sévissent dans toute l’Algérie, sous prétexte de réprimer la révolte ;
Clame son indignation contre les brimades répétées, dont ont été l’objet les écoles de
l’Association, et contre les mesures arbitraires — emprisonnements, amendes, détention dans les camps de concentration - dont souffrent nos professeurs ;
Prie pour le repos des âmes valeureuses tombées dans le martyre d’une répression
aveugle, et appelle le peuple algérien à faire envers leurs enfants et leurs familles ce que
dictent les préceptes de l’Islam, leur cœur et leur honneur ;
Adresse son amitié émue et respectueuse à tous les Algériens libres sur lesquels se
sont refermées les lourdes portes des prisons, i tous ceux injustement détenus derrière
les odieux barbelés et s’associe à la douleur que leur poitrine a affrontée avec le sourire
de la Foi ; elle leur rappelle qu’un peuple conscient, sensible comme le nôtre,
n’oubliera pas leurs sacrifices, ils seront de ceux qui, demain, constitueront le magnifique édifice national.

L’Assemblée plénière de l’Association des Oulémas tient à remercier très spécialement toutes les libres volontés des quatre coins de la terre, les journaux honnêtes et
intègres, ainsi que les Gouvernements libres qui, s’étant mis au service du Droit, de la
Justice et de la Liberté, ont tant aidé le peuple algérien dans ses justes aspirations ; elle
espère que tout peuple libre, tout gouvernement libre, tout journal honnête prendra
part à ce combat triomphant pour le Droit, la Justice et la Liberté en Algérie.
Elle proclame, encore une fois, que toute politique construite sur le rafistolage du
passé, réalisée par des « réformes » qui ne sont que des avatars de l’ordre colonialiste,
quelque appellation qu’elles prennent, ne peut être qu’une odieuse et cynique dérision,
susceptible d’amener le désespoir du peuple algérien à son paroxysme le plus terrible.

Elle indique solennellement — avec l’espoir d’être écoutée par les milieux responsables de Paris — et par le monde entier, qu’il n’est pas possible de résoudre d’une façon
définitive et pacifique, l’affaire algérienne, autrement qu’en reconnaissant solennellement et sans détours : la libre existence de la nation algérienne, ainsi que sa personnalité spécifique, son gouvernement national, son assemblée législative souveraine et ceci
dans le respect des intérêts de tous et la conservation des droits de chacun.

Elle affirme qu’il ne peut y avoir de terme à l’état de guerre actuel, ni d’édification
d’un ordre libre nouveau, sans l’entremise de négociations loyales avec les représentants
authentiques du peuple algérien légitimement investis dans l’effort de la lutte.
Elle exhorte enfin le peuple à rester dans le chemin du droit, à conserver sa patience,
à persévérer dans les œuvres du bien, à s’u n ir et à oublier les divisions passées, afin que
bientôt notre peuple arrive, par sa lutte exemplaire, à cet ultime degré de grandeur et
de mérite, digne de son histoire.
« Dis : Agissez, Dieu, son Prophète et tous les croyants, voient ce que vous faites.
Et Dieu donne la gloire à ceux qui le glorifient. »

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